mercredi 8 octobre 2014

PKP, Québécor VS Assemblée Nationale

La fin de semaine dernière lors de la Conférence Nationale des Présidents et Présidentes du Parti Québécois, Jean-François Lisée s'en est pris ouvertement à Pierre-Karl Péladeau au sujet de son statut d'homme d'affaires. En affirmant ''On fait de la politique ou on est patron de presse'', monsieur Lisée venait de lancer un pavé dans la mare.

 Hier, François Legault s'est emparé de la balle au bond et a déposé la motion suivante: ''qu'un député, ou un membre de sa famille immédiate, ne puisse d'aucune façon détenir directement ou indirectement la majorité des actions ou une position de contrôle dans une entreprise médiatique.''

Ce matin en chambre, monsieur Legault a interpellé le premier ministre Couillard sur le sujet et la réponse de ce dernier fut celle d'un homme d'État face à un bambin qui cherche vengeance: ''Ce que je crois cependant, c'est qu'il faut rediscuter entre nous cette motion qui, d'après nous, est un peu à court terme sur des points à marquer sur un adversaire dans un contexte particulier, alors qu'on aurait avantage, entre nous, parlementaires, à élever la discussion au bon niveau ....'' Dans la même optique opportuniste, déjà hier Québec-Solidaire se positionnait en faveur de la motion présentée par la Coalition Avenir Québec.

Dans son point de presse concernant la motion, monsieur Legault affirme être préoccupé par l'avenir de nos institutions, pour lui l'enjeu concerne l'intégrité de la fonction d'élu et d'un autre coté l'indépendance des médias vis à vis le pouvoir politique. Il avance que pour la CAQ: ''il est clair pour nous qu'il y a conflit d'intérêts tant que monsieur Péladeau sera en politique active comme député tout en étant l'actionnaire de contrôle de Québécor.'' 

Conflit d'intérêts:

Il est évident que le code d'éthique qui régit la conduite des membres de l'Assemblée Nationale doit prévoir des règles qui font en sorte de proscrire les conflits d'intérêts. À mon avis, tel que rédigé et sanctionné en décembre 2010, le code rempli bien ces fonctions malgré qu'il y ait toujours place à l'amélioration. D'ailleurs, le chapitre II du Code d'Éthique et de Déontologie des membres de l'Assemblée Nationale couvre de long et en large la notion de conflit d'intérêt. Toute cette notion tourne au tour du fait qu'un élu ne puisse pas profiter de son rôle de législateur ou d'exécuteur pour favoriser ses intérêts privés ou ceux d'un proche. Le principe est qu'un élu ne puisse pas profiter de son statut politique pour s'enrichir personnellement avec les deniers publics. La logique est qu'on ne peut pas à la fois être un élu et propriétaire ou entrepreneur qui fait de l'argent au dépend du gouvernement. Le cas d'espèce le plus récent est probablement celui de l'ex-ministre David Whissell.

Dans le cas qui nous intéresse ici il faut se poser la question suivante: Est-ce que Québécor va s'enrichir avec l'argent des contribuables? Si les presses de Québécor n'imprime pas de documents gouvernementaux la réponse est non. Si Vidéotron diffuse le canal de l'Assemblée Nationale, ce n'est pas le gouvernement qui enrichit Québécor ce sont les abonnées à Vidéotron.

Donc en ce qui concerne la notion de conflit d'intérêts, monsieur Legault n'a pas à s'inquiéter. La motion qu'il propose ne peut pas se baser sur ce principe pour être défendue et adoptée. De plus, il faut considérer le caractère personnel de cette motion, elle vise un seul individu et devient par le fait discriminatoire. Si monsieur Legault avait eu un peu de courage et d'ambition, il aurait déposé des amendements au code d'éthique qui feraient en sorte d'encadrer certaines pratiques et certains privilèges des élus. Par exemple, il aurait pu bonifier le principe qu'un élu doive se retirer des débats et des prises de décisions lorsque l'Assemblée Nationale ou le conseil des ministres travaille sur des sujets qui couvrent ses intérêts privés. Il est possible avec de telles mesures et beaucoup de bon sens de mettre les institutions québécoises à l'abri des conflits d'intérêts.

Réclamer la vente d'un patrimoine ou la démission d'un député dans de telles circonstances constitue une atteinte aux droits et libertés conférés par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. Pour un entrepreneur monsieur Legault nous déçoit. Le chef de la deuxième opposition, si il est sincère dans son désir de protéger les institutions devrait prendre en considérations le principe fondamental de la démocratie qui est:  Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales. Monsieur Legault devrait s'interroger sur la validité de sa motion devant le test de la doctrine établie à ce sujet par la cour suprême. Pour user de la close nonobstant sa proposition ne tient pas la route.

La séparation des pouvoirs:

En philosophie politique, tous conviennent que les médias constituent la quatrième branche du pouvoir. Ils ont une influence sur la vie politique d'une nation en tant qu'outils de diffusion des idées. Historiquement au Québec, plusieurs journaux à grand tirages ont appartenu à des politiciens en fonctions qui se servaient de cet outil pour diffuser leurs pensées politiques. On a qu'à penser au Devoir fondé et dirigé par Henri Bourassa ou la Patrie sous contrôle d' Honoré Beaugrand. Aujourd'hui on peut penser à la Presse qui n'est rien d'autre que le département des communications du Parti Libéral et Radio-Canada qui diffuse la pensée fédéraliste canadienne.
Monsieur Legault semble s'inquiéter particulièrement du cas Péladeau-Québécor même si monsieur Péladeau n'intervient pas dans le contenu et l'orientation de ses médias. Si on analyse le contenu du Journal de Montréal et de TVA on peut s'apercevoir que les fédéralistes et libéraux ont leur tribune, comparativement à Gesca qui ne laisse aucune place aux souverainistes. En ce qui concerne la diversité médiatique des opinions, monsieur Legault faites vos devoirs. Vous voulez ''un mur de feu'' entre les médias et les élus. Une fiducie sans droit de regard monsieur Legault c'est un mur de brique, la brique perdure dans le temps tandis qu'un feu fini toujours par se consumer entièrement. Parlez nous plutôt des liens entre le Parti Libéral et Power Corporation, cet empire présent dans plusieurs sphères de l'économie à qui les premiers ministres libéraux obéissent au doigt et à l'œil aussitôt sortis de Sagard.

Vous voulez aborder le thème de la séparation des pouvoirs, attaquez-vous plutôt aux juges ''Post-It''
et à la police politique qu'est devenue la Sureté du Québec, incapable de faire son travail en matière de corruption et de collusion.

De plus, monsieur Legault, vos propos sont méprisants pour l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. Vous affirmez presque que le bon peuple est trop stupide pour lire entre les lignes des éditoriaux. En affirmant que Québécor possède près de la moitié des médias du Québec vous oubliez toutes les autres sources d'informations disponibles. Il y a celles de la concurrence idéologique et il y a l'internet et ses médias sociaux. Dans la balance du pouvoir médiatique, Québécor n'a pas le poids que vous souhaitez lui accorder. Aussi il ne faut pas passer sous silence le code de déontologie journalistique. Avez-vous confiance en cette institution qu'est le Conseil de Presse du Québec?

Aussi, votre motion est un insulte à la démocratie, particulièrement envers les électeurs de St-Jérôme. C'est en toute connaissance de cause que les électeurs de cette circonscription se sont prononcé(e)s en faveur de monsieur Péladeau.

En conclusion, monsieur Legault, hier et aujourd'hui vous avez fait preuve d'une grande immaturité politique et d'une totale incapacité à prioriser les affaires de l'État. Malgré votre affirmation contraire, votre démarche est totalement partisane et juvénile. Vous qui aspirez à devenir premier ministre, vous avez démontré dans cet épisode que vous êtes incapable de vous élever au niveau de l'intérêt national et que votre réflexion ne dépasse pas la hauteur de votre nombril.